mercredi 18 mai 2011

le cahier à spirales (suite)

...Elle courait dans les airs comme les mots couraient sur le papier. Puis, les filles sautaient sur les lits de la vraie vie, elles se balançaient l'une sur l'autre. Sur le dos, les jambes à la verticale et les pieds soulevant l'une  d'entre elles, elles roulaient dans un mouvement de bascule qui les faisait rire. C'était la fête foraine.
Mais pour l'enfant, le cahier était la meilleure façon d'être vivante.
Les interlignes l'éloignaient de la mort pour bâtir un père qui vivrait, pour bâtir un continent. Il fallait toujours plus de mots pour bâtir. La construction était infinie parce que les mots pouvaient être de toutes les langues. Il n'y avait pas un seul sac de mots à sa disposition mais des sacs et des sacs, autant de sacs que de langues.
Elle pouvait compter les lettres de tous les mots de toutes les rues, elle n'aurait pas peur de devenir folle comme lorsque le père est parti, comme lorsque les soeurs sont parties, parce qu'il y aurait toujours une place pour eux dans le cahier vert. Et ce serait bon de les retrouver sans avoir à crier, à pleurer, à crier et à pleurer en même temps. Ce serait bon de ne plus marcher sur cette ligne invisible de peur de tomber dans le vide. Ce serait bien d'imaginer une famille sans histoire, comme si ça existait. Voir vieillir le père et la mère, garder les soeurs. Grimper jusque chez la grand-mère à travers les rampes aux noms étranges, rampe Ribanelle, rampe Sainte-Croix et toujours la voir en habit noir. Imaginer des jeux avec les filles de la place Saint Théophile, des jeux faciles, sans course folle genoux-cailloux.

Ce serait bien d'imaginer une vraie ville où monteraient des milliers de mots comme des ballons gonflés à l'hélium, des mots pour monter au ciel:

- vous vous rendez compte! elle téléphone à mon mari tous les matins, c'est une femme qui est en train de divorcer!
- lorsque tes yeux vont se fermer, tu penseras à moi?
- Quelle chance elle a d'avoir une maman si merveilleuse!
- Tu as vu comme le temps de la terre évolue bizarrement!
- Te souviens-tu de l'eau des Scaravaglie?
- Je suis tendu comme un arc.
- Ça fait quatre ans que je traîne le mal.
- Pourquoi je ne pourrai pas étendre mon courage à tout?
- J'aime que tu m'aimes.
- Il faut faire à sa mesure c'est déjà bien.
- Je ne vois pas d'hommes, je vois des chairs qui gesticulent.
- Où sont les voix? Et les voix étrangères, celles que je ne comprends pas, où vont elles?
- Je voudrais revoir le ciel dans son entier...

2 commentaires:

  1. Premier commentaire... j'attends la suite... :)

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  2. Bonsoir Francesco, promis tu auras la suite, d'autant que ce blog est né un peu grâce à toi, tu as réussi à me motiver, j'espère ne pas te décevoir, à +

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